Another night.
J’ai toujours cru être le genre de personne qui détestait la routine. Passer ma vie à chercher la prochaine expérience qui me donnera l’impression de renaître et mourir tout à la fois. Espérer que chaque vague narcotique mêlée à mon sang m’offre cette mythique joie de vivre – si je l’ai déjà ressentie, je l’ai oubliée il y a longtemps. Fût un temps où les heures défilaient sans se ressembler, où mon existence était taillée d’une pierre de chaos.
Les choses se sont… améliorées. Peut-être.
La façade est solide et impassible. Immense et froide. Le chaos s’est niché derrière ses murs et, là, n’a jamais cessé de grandir, d’enfler, d’infecter. Tar black and viscous, sticking to my inner walls and threatening to burst out. Son goût m’enlace la langue. Et pour l’oublier, je me suis bâti un rituel, un semblant de normalité qui comble les failles risquant de laisser couler la gangrène.
Toujours est-il que, maintenant, à tous les soirs où je suis de quart au Bloody Ghoul, je fume un joint, assis sur les escaliers menant à l’entrée des employés se trouvant à l’arrière. Je prends le temps d’observer le ciel – ses couleurs, ses scintillements, sa noirceur – et de permettre à mon corps de relâcher les tensions accumulées. Merlin seul sait à quel point il y en a. Ce soir, par contre, quelqu’un est venu changer la routine. On a laissé une fiole devant la porte. Je l’ai attrapée, sourcils froncés, avant de m’asseoir et de fixer le joint entre mes lèvres. L’entrée du personnel était pourtant bien dissimulée par un sortilège. Peut-être était-ce l’un ou l’une de mes collègues qui a cru que cela allait me surprendre.
They were right.
J’ai laissé la fiole tourner entre mes doigts, mon regard à la recherche d’indication visuelle de ce que la potion contient. Le liquide est bleu clair et mat. Rien n’y scintille, rien ne le traverse. Ça y est, curiosité piquée. J’enlève le petit bouchon de liège et le porte à mon nez. Légèrement fruité – comme des petites baies un peu amères - avec une pointe de chlorophylle. Sans aucun doute inoffensif. J’hausse les épaules pour moi-même et avale le contenu de la fiole d’une traite. Elle est douce et veloutée, le goût de baies à présent proéminent mais, malgré tout, elle me fait tousser. Subtilement, d’abord, puis plus agressivement jusqu’à ce que le souffle me manque. Ce n’est qu’à ce moment que ma gorge s’apaise.
“
What the fuck. “
Mais ce n’est pas l’habituel “what the fuck” qui émerge de ma bouche. Non. C’est un what the fuck rempli de drame, chanté malgré moi, résonnant dans mon torse puis roulant contre ma langue qui ne peut s’empêcher de l’accommoder.
“
Fucking hell, what’s going on? “
Encore. Le chant rauque mais agréable, exprimant ma confusion tel un acteur de théâtre musical. Je lance la fiole sur la pierre devant moi et glisse mes deux mains sur mon visage, déchiré entre l’envie de jurer plus encore et de rire de mon propre malheur. J’peux pas passer mon quart de travail à chanter comme un con, c’est pas vrai. Un jeudi soir, en plus – c’est toujours occupé. Personne pour me remplacer non plus. Mes dents s’accrochent brièvement à ma lèvre inférieure puis, résigné, je me lève et entre.
Les employés arrivent. Je les salue tout juste d’un hochement de tête, sans plus. Avec eux, ça va. They know not to talk to me if I don’t talk to them. Je regarde Russell ouvrir la porte d’entrée alors que, de derrière le bar, je me sers un shot de Jack et l’avale, appréhendant les clients tout aussi assoiffés que moi.
En espérant que personne ne soit particulièrement loquace.