La lumière filtrait à travers les feuilles des arbres et des aiguilles de pin, dessinant un voile de dentelle qui piquetaient le sol de milliers de petites ombres dansantes grâce à la brise qui venait de se lever. Un bel endroit accompagné d'un aussi bel homme, Ana avait quand même des raisons de penser que tout cela n'était qu'un rêve. D'autant plus lorsqu'elle ressentit le contact électrique des lèvres de Mister-Sexy frôler sa joue. C'était étrange mais pour une fois, Ana ressentit pleinement ce que ça faisait d'avoir 17 ans. Elle comprenait enfin les pulsions des hormones adolescentes qui lui criaient au creux de son ventre de se lancer sans retenue dans des scènes pas toujours très catholiques.
Continuer de croire que c'était un rêve... Ça ce n'était vraiment pas dur étant donné que son cerveau en était déjà à moitié persuadé. A moitié puis carrément complètement lorsque des lèvres divinement délicates se posèrent sur les siennes. Il n'y avait aucun mot pour décrire ce qu'Ana ressentait en cet instant, c'était tout un mélange d'un paquet d'émotions telle que l'euphorie, le bonheur, l'envie, la gêne, etc, qu'on avait roulé en boule avant de lui injecter dans les veines. C'était le bordel dans tout son être, clairement, mais ce bordel était tout bonnement divin. De toute façon, elle n'avait jamais été du genre maniaque alors le bordel, ça ne pouvait que lui plaire.
Le baiser fut rapide, beaucoup trop, et Ana se sentit nulle de ne pas avoir réagit. Elle n'avait pas bougé, ce qui était assez paradoxal avec la soirée dansante d'émotions qui s'était déroulée en elle pendant ces quelques courtes secondes. Ludo s'était encore détaché, enfin c'est lui qui l'avait fait ce coup-ci et pourtant, la douleur dans sa poitrine fut exactement la même que tout à l'heure quand c'était elle qui avait à contre-cœur rompu le contact. Sa vision se flouta soudainement, wtf ?
Wait. Est-ce que ses fesses venaient encore de rencontrer le sol ? Non parce qu'à force, son cerveau était peut-être tomber amoureux de ce contact et se l'imaginait peut-être à tout va. Ana arracha un bout d'herbe, histoire d'aider le jardinier à tondre la pelouse et releva le brin devant son visage. Bon, apparemment elle n'avait pas imaginé sa chute parce que cueillir de l'herbe dans l'air, c'était pas tellement possible.
Elle se rendit soudainement compte qu'elle haletait et tout devint limpide dans son esprit. C'est ça, elle avait oublié de respirer. C'était dur de penser à autre chose que le feu d'artifice que constituait la rencontre de leur deux bouches pendant l'action aussi...
"Je... J'étais pas... prête." articula-t-elle difficilement toujours sous le choc. Décidément, elle avait la palme d'or du ridicule lorsqu'elle se trouvait en présence de l'apprenti-concierge, il devait avoir vachement de self-contrôle pour ne pas se mettre à rire à tout va.
Ana devait se rattraper, elle devait montrer au concierge qu'elle n'était pas qu'une gamine aux hormones en ébullition qui tombait dans les pommes quand on l'embrassait. Non, pour garder ses chances, elle devait paraître adulte. Sauf qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'être adulte dans une relation signifiait. Et plus elle y pensait, moins elle avait envie de le savoir tout compte fait.
Se relevant en chancelant, elle alla se poster à quelques centimètres de Ludo, prenant soin de faire quelques réserves d'oxygènes avant de s'approcher plus près. Sa face rougie se releva vers son regard bleuté et s'y perdit de nouveau. Le visage de Ludo, c'était pire qu'une bouille de chaton, impossible d'y résister. Est-ce que cette merveille venait réellement de l'embrasser, elle ? Après tout, comme il l'avait dit, laissons le rêve aller sans penser à rien d'autre.
Elle fut soudain envahie par la certitude qu'elle devait aussi l'embrasser, là, tout de suite, maintenant. Sauf qu'elle était Ana et qu'elle ne savait pas comment s'y prendre. Puis elle n'était pas certaine d'arriver à atteindre ses lèvres même en sautant. Tant pis, elle se transformerait en kangourou s'il le fallait mais elle ne pouvait plus attendre, son être tout entier lui disait qu'elle avait
besoin de retenter l'expérience.
Brisant les quelques centimètres qui les séparaient encore, Ana essaya de se remémorer la position des quelques couples qu'elle avait déjà par mégarde regardé s'embrasser. Elle glissa une main dans le cou du concierge et l'autre sur sa joue, d'après la dernière image dont elle se rappelait, et l'obligea à se baisser à moitié pour qu'elle puisse sceller leurs lèvres à nouveau. La tête à peine inclinée, elle s'empara de ses lèvres avec une telle fougue qu'elle aurait certainement détournée le regard si elle avait été spectatrice. Si une de ses amies était passée, elle n'aurait sûrement pas reconnu Ana. Ce genre de truc, cette extraversion totale, ce n'était pas son genre. Et pourtant, avec le concierge, elle ne réfléchissait plus et laissait son corps parler pour elle, comme lorsqu'elle était bourrée. Ludo était donc son alcool vivant, sans compter le fait que comme l'alcool, il était putain d'addictif. Soit, elle avait toujours aimé picoler, alors picolons !
Enfin picolons... par terre. Shit, elle avait encore oublié de respirer, c'est pas possible ! Sauf qu'elle n'avait plus l'excuse de la surprise maintenant. Ana aurait certainement besoin d'un peu d'entraînement avant d'arriver à penser à respirer en même temps que de l'embrasser, elle sourit à cette perspective. De l'entraînement là-dessus, elle signait tout de suite.